La ruée vers l’or vert continue, et British American Tobacco (BAT) – l’entreprise notamment détentrice de la marque Lucky Strike – semble bien décidée à être de la partie : en témoigne un investissement de 176 millions de dollars dans la société canadienne Organigram, producteur certifié de cannabis médical et « récréatif », pour une participation à 19,9% du capital de l’entreprise.

Quelques détails sur le projet

L’idée derrière cet investissement est principalement la création d’un « centre d’excellence » qui permettra le développement d’une nouvelle génération de produits dérivés du cannabis, avec pour commencer un accent sur le CBD. Une partie des fonds devrait également être allouée à la recherche, a priori plutôt une bonne idée si l’on souhaite développer des produits next generation. Le centre sera localisé à Moncton (New Brunswick), dans un établissement d’Organigram licencié pour la recherche et développement liés au cannabis.

Cet accord permettra notamment à chacune des deux entreprises de vendre des produits et technologies créés dans le cadre de ce projet commun.

Un choix qui se justifie…

Owen Bennett, analyste pour la banque d’investissement américaine Jefferies estime que c’est un accord naturel (« natural fit », dit-il). Il estime que cet accord stratégique a du sens notamment dans la mesure où BAT sait comment opérer au sein d’un marché régulé. Ils ont par ailleurs de l’expérience pour les récoltes, et pourraient donc aider de nombreux producteurs de tabac à faire la transition vers le cannabis. Il anticipe une faible cannibalisation entre les produits provenant du cannabis, et ceux contenant de la nicotine.

On peut estimer qu’un apport de liquidité permettra en effet plus de recherches, amenant à des produits finaux mieux adaptés et de meilleure qualité. La R&D est en effet primordiale, et surtout dans une industrie naissante et qui a grand besoin de validation scientifique.

…mais qui pose certaines questions

« A natural fit ». Il fallait oser. Nous aimons à penser que c’est une boutade, un clin d’œil à celles et ceux qui aiment mettre un peu de tabac pour accompagner leurs fleurs.

Bien qu’il soit compréhensible de faire le parallèle de ces deux industries du point de vue « marché régulé », on a quand même bien du mal à comprendre en quoi un marchand de mort est un « natural fit » avec le cannabis. D’autant plus lorsque l’accent sera initialement mis sur le CBD (vous savez, cette molécule à laquelle on prête des nombreux bienfaits THERAPEUTIQUES).

BAT pourrait aussi aider à la transition vers la culture du cannabis. Ah… Mais par ailleurs pas de cannibalisation entre cannabis et nicotine. C’est qu’on risque fort de manquer de producteurs de tabac, à ce rythme.

Notons enfin que BAT ne fait pas figure de précurseur en la matière. Altria (qui détient notamment Philip Morris) avait investi 1,8 milliards de dollars dans Cronos Group, pour acquérir 45% du géant du cannabis). Constellation Brands – un géant de l’alcool – avait de son côté déboursé 4 milliards de dollars pour une participation chez Canopy Growth, producteur canadien de cannabis.

Alcool, Big Tobacco et Big Pharma. On aurait franchement préféré qu’Omar Sharif soit toujours des nôtres pour nous annoncer ce tiercé gagnant. On aurait au moins pu en sourire.