Les pays s’intéressant de près à une régulation du cannabis à usage dit « récréatif » sont de plus en plus nombreux. C’est désormais au tour de la Suisse, via le Conseil fédéral, d’autoriser des essais pilotes. Si cela ne présage pas nécessairement d’une légalisation à venir, ces essais – bien qu’implémentés dans un cadre contraignant – pourraient permettre d’y voir un peu plus clair pour penser un modèle de légalisation efficace répondant notamment à certaines questions en termes de santé et sécurité.

A chaque ville son projet…

A partir du 15 mai, les villes suisses qui le souhaitent pourront soumettre leur projet à l’Office Fédéral de la Santé Publique, qui délivrera les autorisations de mise en place desdits projets. Neuf villes semblent être sur le coup, dont les cinq plus grandes villes du pays : Zurich, Genève, Bâle, Lausanne et Berne.

Les autorités suisses souhaitent que cette expérience mette en lumière les avantages et inconvénients d’un accès contrôlé au cannabis, tout en mesurant l’impact sur la santé et les habitudes des consommateurs et en limitant fortement le marché noir. Un bien beau projet, mais soumis à des restrictions telles qu’il semble bien utopique d’en tirer le maximum.

Des conditions de participation restrictives

Chaque ville candidate pourra inclure un maximum de 5000 participants. On parle donc pour le moment d’environ 45000 personnes, soit environ 20% des consommateurs quotidiens ou quasi quotidiens. Ces derniers devront être majeurs, domiciliés dans le canton et déjà consommateurs de cannabis, chose qui devra être prouvée via un test capillaire. Condition qui, on le regrette, donnera peu de chances d’en savoir plus sur l’impact d’une régulation ou légalisation sur les non-consommateurs.

De plus, à 150 Francs Suisses le test, ça fait jusqu’à 750 000 Francs (682 000 €) à investir par projet, avant même de commencer l’expérimentation. Un frein possible à la candidature de certaines villes ? Possible car les projets pilotes ne pourront pas légalement être financés par la Confédération, et c’est donc manifestement aux communes, cantons et autres associations que reviendra ce malheureux privilège.

Parmi les autres données clés, notons que chaque participant aura droit à 10 grammes de THC maximum par mois, avec un taux maximal de 20%. L’utilisation devra être personnelle et sera interdite dans les lieux publics.

Enfin, l’attribution d’une autorisation sera pour 5 ans, renouvelable pour une durée allant jusqu’à deux ans. Des chiffres qui laissent planer certaines inquiétudes quant à la possible lenteur du projet.  

Quels points de vente ?

Trois pistes semblent envisageables :

  • Les pharmacies : sur le même modèle que l’Uruguay, qui a légalisé le cannabis en 2013 et le distribue via des pharmacies agréées par l’Etat.
  • Les Cannabis Social Clubs : il s’agit là du modèle espagnol. Chaque membre du club doit payer une cotisation, qui lui donnera le droit d’acheter du cannabis. C’est la solution préférée de Xavier Company, élu lausannois, afin de répondre à la demande d’une solution à mi-chemin entre une approche purement médicale et une approche libérale comme aux Etats-Unis.
  • Les magasins spécialisés : on pense en particulier aux magasins de CBD, qui privilégient généralement une approche bien-être. Ces boutiques permettent d’ores-et-déjà d’acheter une fleur ou une tête de chanvre CBD en France et en Suisse notamment. Bientôt des fleurs et autres produits avec du THC ?

Comme nous l’avons vu en France et à Malte récemment, ce projet soulève des questions quant à son implémentation et son efficacité. Si l’on peut s’inquiéter de cela, voyons tout de même le positif : c’est un débat qui entre clairement dans les mœurs et n’est plus du tout aussi tabou qu’il y a quelques années. Le vent tourne, et les gouvernements ne sauront y résister encore longtemps.