Le 18 juin est depuis des décennies un jour spécial pour les militants pro-cannabis français. C’est en effet à cette date, en 1976, que le quotidien Libération publie un manifeste appelant à la légalisation du cannabis : l’Appel du 18 joint, symbole de tout un mouvement qui sera par la suite repris par le Collectif d’Information et de Recherche Cannabique (CIRC).

Nous nous sommes entretenus avec KShoo, porte-parole et co-fondateur avec Jean-Pierre Galland du CIRC en 1991, qui nous a accueilli à bras ouverts et détaillé avec passion le combat qu’il mène au sein du CIRC depuis trois décennies.

Une approche résolument libertaire

Le CIRC est une association loi 1901 dont l’activité est aujourd’hui majoritairement située à Lyon. KShoo définit le discours du CIRC en matière de légalisation du cannabis comme « assez alternatif », dans le sens où ils « se sont toujours exprimés sur des bases libertaires au niveau de [leur] pensée politique des drogues ». Une approche qui selon lui a en partie contribué à marginaliser les militants du CIRC, mais qu’il juge « essentielle car elle touche à un principe fondamental : la liberté individuelle de disposer de son corps et de sa conscience, même modifiée. »

Le CIRC prône « un système extrêmement localisé au niveau de la production, avec principalement un développement de l’agriculture biologique en extérieur ». Un point sur lequel KShoo insiste par ailleurs, la culture outdoor étant de loin la moins énergivore. Une approche « en opposition à un marché totalement étatisé ou libéralisé ». L’Etat aurait ainsi le rôle de « garantir la sécurité et la santé des usagers, la qualité des produits, ainsi que la distribution de licences pour les producteurs, transformateurs et revendeurs. » Le resté étant laissé aux cannabiculteurs, usagers, mais aussi aux actuels petits revendeurs du marché noir – « sauf ceux impliqués dans des crimes de sang » – dont les compétences semblent notamment expliquer pourquoi ce dernier se porte si bien.

Le concept de Cannabistrot

Concernant la distribution au public et la consommation, KShoo et Jean-Pierre Galland ont imaginé le les cannabistrots, désormais une marqué déposée, et inspirés initialement des coffee shop néerlandais, et pour lesquels ils ont voulu pousser le concept.

Le cannabistrot serait un lieu de vente de produits au cannabis, à consommer sur place ou non, et ne vendant pas d’alcool. KShoo souligne l’importance de mettre à disposition des informations sur l’origine, la traçabilité et la qualité des produits ainsi que la quantité de principes actifs.

Le concept de Cannabistrot, imaginé par le CIRC. Credit photo: CIRC

Au-delà de la prévention, des pratiques de consommations douces – comme la vaporisation ou l’ingestion de produits alimentaires – seraient encouragées, au contraire de la combustion.

Ils imaginent un lieu convivial où les clients pourraient jouir de jeux, livres et autres projections cinématographiques.

Ces cannabistrots pourraient voir le jour sous un mode associatif, ou coopératif, et de nombreuses formules peuvent être selon lui intéressantes.

L’Appel du 18 joint

Le journal Libération avait ouvert la voie en 1976 avec l’ « Appel du 18 joint ». Le CIRC a ensuite repris cette idée dès 1993, en organisant la « Première journée internationale d’information sur le cannabis ». Depuis, et même si le CIRC a dû faire face à de nombreuses interdictions, amendes et procès, les militants sont encouragés à se réunir tous les ans, le 18 juin à 18 heures. C’est notamment le cas à Paris, au parc de la Villette, un événement animé chaque année par le juriste Louis Malliet.

Cette année aurait pu être particulière, puisqu’elle marque le 45e anniversaire de l’Appel, et les 30 ans du CIRC. C’est fort malheureusement que la nouvelle est tombée ce mardi 8 juin du côté de Lyon : la préfecture du Rhône n’autorise pas cette année les manifestants à organiser l’Appel du 18 joint en raison des restrictions sanitaires toujours en place.

Si nous avons bien vu passer une affiche (ne provenant PAS du CIRC) invitant à un rassemblement à la Villette à Paris, nous ne saurions vous encourager à y assister ou à ne pas respecter les règles sanitaires en vigueur.

De son côté, le CIRC vous donne rendez-vous en 2022 ! Vous connaissez l’heure et l’endroit.

Une base militante difficile à renouveler

Si l’opinion publique a évolué au fil des décennies en faveur d’une légalisation et l’on semble prendre ce chemin à plus ou moins long terme, KShoo déplore toutefois des difficultés à renouveler la base militante du CIRC. La situation sanitaire n’aide clairement pas, comme on peut le constater avec l’annulation de l’Appel du 18 joint, mais il met aussi et surtout en cause un manque flagrant de relais dans les médias traditionnels de leurs actions et initiatives.

Là où l’association jouissait autrefois d’un soutien financier important provenant de la maison d’édition Les Éditions du Lézard, les adhésions à l’association et dons provenant de militants représentent aujourd’hui presque l’intégralité des revenus permettant au CIRC de continuer son activité.

Si vous souhaitez adhérer ou faire un don, c’est ici que cela se passe. L’adhésion annuelle coûte 10 euros et vous permet notamment de bénéficier de remises préférentielles auprès de partenaires commerciaux militants.

Cannaparade, relais d’informations et émission radio

Parmi les activités du CIRC, KShoo évoque également d’autres projets dans lesquels le CIRC est impliqué.

Nous évoquions la Cannaparade 2021 à Paris dans un récent article, et il s’avère que c’est le CIRC qui a organisé la Cannaparade de Lyon le 22 mai : un petit événement qui n’a accueilli qu’une cinquantaine de participants, mais qui semble avoir attiré l’attention d’un public accueillant et curieux dans les rues de la ville.

Cannaparade 2021 à Grenoble – Photo : Serge MASSE (Dauphiné Libéré)

Le CIRC se fait par ailleurs le relais d’un certain nombre d’informations importantes relatives au cannabis, aussi bien sur leur site internet que leurs pages de réseaux sociaux.

Enfin, comment ne pas évoquer l’émission radio « Y’a de la fumée dans le poste » sur Radio Libertaire – voix de la Fédération Anarchiste. Une émission consacrée aux drogues au sens large et dont la première a eu lieu en 1993 ! L’émission existe encore à ce jour, et abordait dernièrement des sujets comme l’évolution de la réglementation du CBD. Le replay, c’est par .

La guerre à la drogue et l’émergence du CBD

Nous avons enfin pu interroger KShoo au sujet de la situation actuelle en France, entre la guerre à la drogue déclarée par Gérald Darmanin et les divers rebondissements liés à la réglementation du CBD.

Le porte-parole du CIRC explique avoir « bêtement » mal accueilli le CBD, avant de finalement faire volte-face pour deux raisons principales : les produits au cannabidiol permettent de présenter le cannabis sous un autre jour que celui d’une drogue ; et il a par ailleurs permis de constater que les usagers ne sont pas uniquement à la recherche des effets psychotropes du THC : la sensation de relaxation procurée par des fleurs non chargées en THC semble tout aussi appréciée.

Bien que le Gouvernement ait récemment fait volte-face dans sa position face au cannabis, KShoo estime que l’on « a déjà gagné ». La légalisation arrive, le Gouvernement en place ne fait que repousser l’échéance. Alors continuons de manifester pacifiquement et rappeler les nombreux bienfaits de cette plante. L’Histoire est en marche.