En ces temps où le cannabis est source de nombreux « débats » – avec de très grandes guillemets – nous n’avons pu résister à l’idée de revenir sur cette interview, réalisée par France 3 Bourgogne-Franche-Comté auprès de Rémi Delatte, député les Républicains en Côte-d’Or, et qui se désolidarise de la proposition de légalisation faite dans le récent rapport de la Mission d’Information sur le cannabis dit récréatif. Une interview qui ressemble fort à une coquille vide en forme de doigt levé – même si nous devons saluer les tentatives relativement vaines du journaliste ayant fait de son mieux pour obtenir des réponses proposant des débuts de solution innovante.

« Préciser les contours du débat »

Rémi Delatte estime que le débat sur la drogue évoqué par le président de la République est une excellente opportunité pour faire avancer le sujet de la légalisation – ou non – du cannabis. Il faudrait donc « préciser les contours du débat » au plus vite. Mais franchement qui y croit ? Qui croit à un réel débat ouvert, posé et objectif sur ce sujet à même pas un an des Présidentielles ? Qui peut encore se leurrer après qu’Emmanuel Macron ait déclaré vouloir lancer une campagne de sensibilisation aux drogues (bien belle rhétorique, mais nous on a lu « guerre à la drogue ») ces derniers jours et semaines ? Qui a fumé assez de joints pour avoir des bouffées délirantes au point d’imaginer que « cette merde » qu’est le cannabis n’est autre chose qu’un sujet de récupération politique pour les mois à venir ? Personne n’est dupe.

Source : lemouvement.info

« Il n’y a pas qu’une seule solution »

C’est avec une grande ouverture d’esprit que nous accueillons la possibilité qu’il n’y ait pas qu’une seule solution qui serait la légalisation. Vraiment. Mais alors quelles solutions proposez-vous Mr Delatte ? Attendre un débat mort dans l’œuf organisé par un Président qui déclare faire la guerre à la drogue afin de « s’appuyer sur une concertation beaucoup plus large » ? Ce discours au lendemain de la sortie d’un rapport de 281 pages donc la conclusion est qu’il est de temps de légaliser ? Alors même que vous admettez volontiers l’accablant échec de la politique répressive appliquée en France et ailleurs depuis plus d’un demi-siècle. Libre à chacun d’exprimer un désaccord. Mais quel poids a ce désaccord quand il n’est pas suivi du moindre début de solution ?

Si la légalisation n’est pas la solution, que reste-t-il ? On ne fait rien et on attend un miracle ? On renforce encore la répression dont les preuves de l’inefficacité ne sont plus à faire depuis belle lurette ?

Rien ne va, mais attendons encore un peu.

« Si c’est légal, c’est qu’on peut le faire. (…) On a le devoir de protéger nos populations. »

C’est un point sur lequel on pourra être d’accord. Nous l’avons vu depuis des décennies, vous l’avez concédé, protéger nos populations par la répression à outrance et la guerre frontale aux trafics, est un échec cuisant.

Oui, protéger nos populations devrait être une priorité absolue. Quelle audace, au pays du vin et de la clope. Mais c’est écrit « à consommer avec modération » sur l’étiquette, donc ça va, on a pris soin de nos populations. Si la comparaison peu flatteuse avec les deux drogues les plus meurtrières en France n’est pas un argument en faveur de la légalisation du cannabis, on ne nous ôtera pas de l’idée qu’elle illustre assez parfaitement l’hypocrisie ambiante.

« Des faits culturels à prendre en compte. »

Des différences culturelles entre le Canada et l’Europe expliqueraient que le Canada voit une baisse de la consommation chez les mineurs et une baisse du trafic, mais que nos voisins européens ne dressent pas un constat aussi positif. Quels voisins ? Quelles différences culturelles ?

Si « on n’a pas aujourd’hui d’éléments qui nous prouvent que [la légalisation] est la bonne solution », quelle solution proposez-vous ?

Un peu plus de visibilité concernant ces sujets aurait été bienvenu.

Source : TV5monde info

Répression et prévention

Voilà les deux solutions proposées. Monsieur Delatte estime que le dispositif répressif « n’a pas été complètement appliqué » et « qu’il convient de le renforcer ». Il met par ailleurs l’accent sur l’importance de la prévention, et on ne le contredira pas sur cet aspect.

Notons toutefois que 35 des 281 pages du rapport de la mission d’information sont consacrées au sujet L’impératif d’une politique sanitaire rendue difficile par la priorité donnée au répressif. Dont une bonne partie sur la prévention en particulier. Partie du rapport dont personne ne s’est visiblement désolidarisé, et qui donne certains arguments pour expliquer qu’un cadre répressif est peu propice à une prévention efficace.

S’en suivront quelques déclarations raisonnables, Monsieur le Député insistant encore assez lourdement sur l’importance de la prévention, notamment chez les plus jeunes. Rendons-lui cet hommage. Mentionnons également son ouverture sur le fait que « la législation actuelle ne permet pas de régler le sujet » et qu’il faudra « la faire évoluer ».

Alors restons sur cette belle note d’espoir… cette douce note aux accents soporifiques de temporisation.

Rien ne va, mais attendons encore un peu.