La deuxième étape visant à permettre aux médecins suisses de prescrire du cannabis médical à leurs patients vient d’être validée. Par suite d’une proposition du Conseil national (l’équivalent de l’Assemblé Nationale en France) en date du 8 décembre 2020, c’est désormais le Conseil des Etats (Sénat pour nos lecteurs français) qui valide à l’unanimité cette proposition.

Un accès largement facilité…

Jusqu’à présent, le seul moyen de pouvoir se faire prescrire du cannabis médical en Suisse était par l’obtention d’une autorisation exceptionnelle auprès de l’Office Fédéral de la Santé Publique. Environ 3000 autorisations par an étaient accordées, généralement pour des patients atteints de cancer, sclérose en plaques ou souffrant de certaines pathologies neurologiques. A peu de choses près les mêmes pathologies que celles choisies pour les essais en France.

Ce modèle présentait deux problèmes majeurs :

  • Une bureaucratie sujette à des lenteurs, parfois inacceptables notamment dans le domaine de la santé…
  • …et dont la résultante est potentiellement pour les patients de se tourner vers le marché noir.

Interrogé au micro de RTS, Jean-Félix Savary – Secrétaire Général du Groupement Romand d’Etudes des Addictions – estime que c’est « la solution du bon sens », insistant sur le fait qu’il est assez exceptionnel que tous les sénateurs s’accordent sur de tels sujets, et que c’est « un joli signal pour les patients. »

L’accord de prescription de cannabis médical se fera donc désormais entre le médecin et son patient, ce qui devrait en pratique permettre un accès bien plus aisé, et partiellement répondre aux problèmes sus-évoqués.

… mais des médicaments toujours pas remboursés

Pour le remboursement par l’assurance, il faudra par contre attendre. Si un médicament à base de cannabis est actuellement remboursé en Suisse (traitement pour soulager les effets de la sclérose en plaques), le cannabis médical prescrit par les médecins fera de son côté l’objet d’un rapport sur son efficacité par le Département fédéral de l’Intérieur. Rapport qui devrait être remis dans le courant de l’année.

Et le cannabis récréatif ?

Ce vote est bien une entendu excellente nouvelle pour de nombreux patients qui souffrent. Le cannabis non médical n’est ici pas directement concerné ; il reste interdit. En voyant un peu plus loin, on peut toutefois s’interroger sur d’autres conséquences de de changement.

Il y a fort à parier qu’un accès facilité au cannabis médical pourrait influencer positivement la perception de la population concernant le cannabis, rendant encore plus évidents les bienfaits qu’il peut avoir. N’oublions pas que le cannabis a dû faire face à une guerre sans relâche depuis des décennies, et même si les mentalités évoluent, la perception de cette plante comme une drogue diabolique et dangereuse est toujours fortement ancrée dans certains esprits.

Aux Etats-Unis, la légalisation du cannabis médical a ouvert la voie au cannabis récréatif. Un exemple à suivre ? Mr Savary rappelle que le cannabis thérapeutique et « récréatif » sont des sujets bien différents. Si l’on a fait la guerre contre le cannabis et qu’il est désormais temps de faire la paix ; le sujet du cannabis est complexe, car il englobe un aspect « drogue » et un aspect thérapeutique. Or, c’est en considérant ces deux aspects que l’on pourra arriver à un équilibre. La fameuse neutralité suisse, diront les mauvaises langues.